Rencontre avec Stéphane Leluc, Président Fondateur de Kalapa Leadership Academy. Pratiquant la mindfulness à titre personnel depuis plus de 20 ans, il est aussi formateur (on dit aussi instructeur) dans ce domaine. Il accompagne les dirigeants, managers et collaborateurs pour mettre en place une approche qui permet de combiner bien-être, performance individuelle et intelligence collective grâce à la mindfulness.
Repenser la notion de performance
Dans certaines entreprises, on cultive le stress en permanence. Le résultat ? Des burn-out en série, des collaborateurs qui pètent des plombs, des managers qui en viennent au mains… Vous pensez que c’est une caricature ? Pas du tout, c’est une réalité.
On s’en rend compte maintenant, pression et stress permanents sont contre-performants.
C’est quoi au juste la notion de performance ? La performance c’est être productif et efficace. Ni plus, ni moins. Cela n’a rien à voir avec le fait de se laisser exploiter en subissant une pression constante. Et cela a encore moins à voir avec la compétition à outrance. Etre performant, c’est connaître son potentiel et savoir l’utiliser avec efficacité. Il est primordial de redécouvrir notre potentiel afin que ce potentiel nourrisse notre performance. Et c’est urgent.
Découvrir son potentiel grâce à la mindfulness
C’est là que la méditation de pleine conscience (mindfulness) entre en jeu. Car, en atténuant le stress, elle renforce notre capacité d’attention et nous permet d’être présents.
Atténuer le stress
Aujourd’hui, les gens viennent principalement à la méditation de pleine conscience pour diminuer leur stress. Un haut niveau de stress est devenu un facteur incontournable de nos vies professionnelles. D’autant qu’il commence souvent avant la vie professionnelle : il n’y a qu’à voir nos ados, ils sont de plus en plus stressés…
Selon les neurosciences, quand on est en état de stress, on utilise notre système nerveux sympathique en réaction à un danger, une menace, ou pour atteindre un objectif. Du matin jusqu’au soir, dans notre vie professionnelle et personnelle, nous sommes constamment dans une frénésie de recherche, d’anticipation, de contrôle ou de succès. On en arrive à une surcharge croissante de sollicitations, une accélération du rythme, une complexité grandissante… Ce qui fait qu’on ne prend plus le temps de faire des pauses.
Avec ce stress, notre système nerveux sympathique est sur-sollicité en permanence. On perd nos capacités naturelles : notre attention, notre concentration, notre intelligence émotionnelle, sociale, notre agilité, notre joie…
La méditation de pleine conscience permet d’utiliser notre système parasympathique – une sorte de « frein » – et cela provoque un effet de détente. C’est lui qui déclenche toutes les hormones du bien-être. Si on aime faire du sport, du dessin, du jardinage, de la cuisine – ou n’importe quelle activité qui implique le corps et les senstations – et qu’on le fait à 100%, corps et esprit synchronisés, on sollicite ce système nerveux parasympathique et on se détend ! Lorsqu’on pratique la mindfulness, on porte notre attention sur notre souffle et sur le moment présent. Alors, on synchronise corps et esprit et on met en activité notre système nerveux parasympathique.
Contrôler notre attention
Entre 2008 et 2015, notre capacité d’attention est passée de 13 à 8 secondes. Bruno Patino est parti de ce triste constat dans son livre « la civilisation du poisson rouge »…
Voir l’interview de Bruno Patino sur France Inter
Bruno Patino explique que, contrairement au temps d’attention TV ou radio (limité à quelques heures par jour), le temps disponible avec nos smartphones est infini. On l’a toujours sur nous ! On peut donc sur-solliciter les gens et les détourner d’autres choses. C’est le cercle vicieux du numérique : plus je suis sur les réseaux sociaux, sur le net, plus je fournis moi-même des moyens aux experts du marketing pour détourner encore plus mon attention du moment présent. L’objectif de la data numérique n’est pas de capter l’attention des masses mais celle d’un individu en particulier. Et cet individu, c’est vous et moi.
On est donc – continuellement et sans relâche – sollicités par des écrans ou des interruptions dans notre vie. A tel point que notre capacité de garder notre attention sur un objet se réduit comme peau de chagrin au fur et à mesure que les années passent.
A présent, dans notre vie professionnelle, nous échangeons en moyenne 130 emails par jour. 70% des emails reçus sont lus dans les 6 secondes ! On s’interrompt 90 fois par jour, et à chaque fois, on a besoin de temps pour atteindre à nouveau le niveau de concentration qu’on avait avant l’interruption. Et plus la tâche est complexe, plus ça va être dur. Ça épuise notre cortex pré-frontal, nos capacités cognitives supérieures.
Aujourd’hui, nous sommes face à la fragmentation de notre esprit qui a de plus en plus de mal à se poser. Les conséquences ? Baisse de la productivité, baisse de la qualité du travail et augmentation du stress. La mindfulness nous offre une capacité fondamentale pour poser notre esprit sur quelque chose et l’y maintenir. Elle permet aussi de voir quand notre esprit est interrompu ou quand il part de lui-même, pour enfin le ramener sur l’objet de notre attention.
Se connaître
La méditation est une façon expérimentale de connaître notre propre nature, de nous connaître. Quand on pratique la méditation de pleine conscience, on est attentif à notre posture. Tout simplement, on prend une posture assez droite, sur une chaise. On pose notre attention sur notre respiration.
La respiration devient à la fois un ancrage sur l’instant présent et une synchronisation du corps et de l’esprit. On suit le souffle et, à un moment, l’esprit part. Rapidement, on va s’apercevoir qu’on n’était plus là, mais complètement ailleurs. On pense à nos prochaines vacances, à ce que l’on va préparer à dîner, au dossier du lendemain, à la déclaration d’impôts… Alors que notre intention était de nous concentrer sur le souffle de notre respiration… Mal ? Non, c’est normal. On va juste reconnaître qu’on est parti, sans juger. On va lâcher prise, laisser ce train de pensées se dissoudre, puis on va se reconnecter sur son souffle, sur l’ici et maintenant, sur l’intention, sur la respiration.
C’est comme ça que l’on arrive à cultiver le contrôle de l’attention. Et si l’on contrôle notre attention, notre capacité à être présent va devenir plus stable. On va réussir à se regarder nous-mêmes. Tourner son regard vers l’intérieur. Comme lorsqu’on commence à voir clair dans l’eau… On explore la nature de nos pensées, la nature de notre esprit, la nature de nos émotions. C’est une exploration de notre nature profonde, de ce qui nous anime, de ce que nous sommes.
C’est pourquoi, pour moi, la mindfulness c’est une façon de :
- comprendre notre potentiel,
- voir les causes qui affectent négativement ce potentiel,
- trouver comment travailler avec ça pour exprimer notre plein potentiel d’être humain.
En revanche, ça ne change pas notre vie ! Elle reste la même avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses peines, ses succès et ses échecs. La médiation de pleine conscience nous permet de comprendre notre potentiel et comment l’utiliser au mieux au sein de l’environnement qu’on a.
Améliorer le rapport à soi pour améliorer le rapport aux autres
Mieux se connaître c’est aussi mieux connaître les autres ou du moins mieux les écouter. L’objectif est d’être ouvert à tout ce qui se présente en nous et autour de nous en toute situation. C’est quelque chose qui nous amène dans le monde.
Une philosophie similaire au coaching
L’ici et maintenant, c’est aussi le point de départ du coaching individuel. Dans cette démarche, le coach a une position d’accueil, ancrée dans le moment présent. Cette relation est une relation à l’autre, une relation d’aide et d’accompagnement pour laquelle il faut une disponibilité conjointe. Le but du coaching ? Faire redescendre, aider le coaché à se recentrer, s’ancrer pour mieux se découvrir. Il s’agit de mettre les conditions pour être attentif à soi. Cela demande de mobiliser toute son intelligence relationnelle.
Intelligence émotionnelle en 3 temps
La démarche de coaching se déroule en 3 temps :
- Prise en compte de l’altérité
- Confrontation bienveillante
- Observation miroir
Par conséquent, pour avancer, il faut solliciter son intelligence émotionnelle. C’est un échange qui fonctionne dans les deux sens : le coaché comme le coach doivent être capables d’écouter les sentiments qui surgissent durant l’entretien, d’identifier les émotions et de les accepter avec bienveillance. Le rôle du coach est de gérer les expressions émotionnelles du coaché pour s’en servir ensuite et avancer. C’est ce que l’on appelle la 3ème écoute.
En quoi consistent les 3 écoutes du coach ?
- 1ère écoute : c’est celle qui passe par les oreilles. Le coach utilise ses sens.
- 2ème écoute : le coach s’imprègne de la perception qu’il a de son interlocuteur. Il sollicite son intelligence relationnelle.
- 3ème écoute : il analyse les émotions qu’il ressent pour les restituer à son interlocuteur. Le coach mobilise son intelligence émotionnelle.
Le rôle du coach s’apparente au rôle de l’instructeur en mindfulness. C’est un guide qui possède l’expertise de la pratique. Il a un rôle de maïeutique*, il conduit le coaché à découvrir seul ce qu’il a en lui et à le formuler. Lorsqu’il a une intuition, il la partage et laisse le coaché libre de l’explorer ou non.
* Maïeutique : dans la philosophie socratique, la maïeutique est l’art de conduire son interlocuteur à découvrir et à formuler les vérités qu’il a en lui.