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Syndrome du scarabée

Syndrome du scarabée : qui se ressemble s’assemble !

Est-ce que vous avez déjà remarqué comme tout le monde se ressemble dans certaines entreprises ? Même look, même façon de penser, même style de management… Bref, on dirait des clones. Ils sont efficaces, complémentaires et se comprennent à demi-mot. 

Ça déroule dans cette boîte. Mais si un grain de sable se glisse dans les rouages, ça dérouille et ça déraille !

Cette démarche qui consiste à favoriser des profils semblables est en réalité un biais cognitif qui pèse parfois lourd dans le recrutement. On l’appelle le syndrome du scarabée.

C’est quoi le syndrome du scarabée ?

Le syndrome du scarabée est un concept issu d’une étude scientifique de 1948 menée par le zoologiste Thomas Park sur un groupe de scarabées. Il observe que lorsque deux sortes de scarabées se retrouvent dans un écosystème, les scarabées d’une même souche ont tendance à privilégier et favoriser leurs semblables et ce, jusqu’à la disparition des autres souches (Interspecies Competition in Populations of Trilobium confusum Duval and Trilobium castaneum Herbst, de Thomas Park, Wiley, 1948).

A partir de cette conclusion scientifique, George Akerlof – Prix Nobel d’économie 2001- et le professeur d’économie Pascal Michaillat, ont élaboré un modèle de calcul économétrique pour expliquer les modes de fonctionnement en entreprise, effectuant un parallèle entre le monde de l’entreprise et celui des insectes.

Leurs conclusions montrent qu’il y a souvent dans une organisation un phénomène d’homophilie (Beetles: Biased Promotions and Persistence of False Belief, National Bureau of Economic Research, 2017).

En sociologie, l’homophilie est la tendance d’un individu à fréquenter ses semblables, ou ses pairs, c’est-à-dire d’autres individus partageant des caractéristiques sociologiques identiques. 

Ce n’est pas uniquement la faute du manager et des collaborateurs

Un paramètre supplémentaire vient aussi conforter ce syndrome : la modélisation du manager. 

Concrètement, dans certaines organisations ou groupes, le manager devient un modèle pour ses collaborateurs. Un véritable mimétisme se met en place au sein de l’équipe. De manière consciente ou inconsciente, des collaborateurs reproduisent des styles de management hérités ou copiés de leur hiérarchie. Soit parce qu’ils se disent que c’est la meilleure façon de progresser, soit parce qu’ils ne connaissent qu’une façon de faire (souvent les 2 d’ailleurs). 

Cela vient confirmer le biais précédent : non seulement les membres d’une équipe se ressemblent mais en plus ils agissent de la même manière.

Comment se manifeste ce syndrome ? 

Le syndrome du scarabée peut apparaître de multiples façons et les critères de ressemblance sont variés : 

  • Le genre
  • L’âge
  • Les passions et hobbies : valorisation des collaborateurs partageant les mêmes valeurs et les mêmes loisirs
  • Les expériences passées et communes : mêmes écoles et mêmes parcours professionnels des membres du conseil d’administration de l’entreprise
  • Le diplôme : ciblage des mêmes écoles ou formations pour recruter les jeunes talents
  • La personnalité
  • Les valeurs
  • Etc.

Avantages et inconvénients du syndrome du scarabée

Bénéfices

Pour de nombreuses structures ou équipes, le syndrome du scarabée est une force. L’homogénéisation des profils et des personnalités provoque un fort sentiment d’appartenance, accompagné d’un sentiment de solidité à toute épreuve, voire d’invulnérabilité. 

L’esprit de corps permet de résister à des événements contraires. Attention néanmoins : si le syndrome s’installe au sein d’une équipe en particulier ou d’un groupe de collaborateurs, la situation peut rapidement se transformer en un système clanique, beaucoup moins efficace voire destructeur…

Dangers

En favorisant les personnes qui leur ressemblent, les organes de direction vont avoir tendance à délaisser certains collaborateurs, pourtant très qualifiés. Souvent, le syndrome du scarabée a un impact sur le système de promotion. A terme, les règles de promotion s’en trouvent biaisées : ceux qui grimpent les échelons ne sont pas les plus compétents mais les plus mimétiques…

Cela affecte également la dynamique de groupe, le potentiel de l’équipe à innover, trouver de nouvelles idées, à débattre, se challenger voire conserver sa motivation sur le long terme… Apparaît alors une pensée dominante au sein de l’entreprise qu’il sera quasiment impossible de challenger.

Les effets possibles d’une telle approche au sein d’une organisation : 

  • une vision totalement autocentrée des profils et des talents
  • une difficulté à se repositionner en cas de changement global et total de cadre de référence
  • un niveau très faible de tolérance à la différence
  • un possible aveuglement face au danger venant de l’extérieur
  • une faible flexibilité face à l’inattendu
  • une consanguinité qui peut aussi favoriser la perte de capacités conceptuelles et théoriques

Comment identifier et gérer cette situation ?

Comment s’apercevoir qu’on souffre du syndrome du scarabée ?

On ne va pas se mentir, le syndrome du scarabée est un biais inconscient. Le plus complexe est de prendre du recul pour l’identifier. Quand on est au cœur du système, c’est plus facile à dire qu’à faire.

Pour cela, il va falloir accepter de vous remettre en question :

  • Sur quels critères avez-vous fondé le recrutement des membres de votre équipe ?
  • Avez-vous le sentiment que des idées innovantes voient le jour régulièrement ?
  • Votre équipe est-elle capable de sortir de sa zone de confort ?
  • Certains osent-ils prendre la parole et proposer des nouveautés ?
  • Vos collaborateurs débattent-ils ou sont-ils toujours d’accord sur tout ?
  • Identifiez-vous des personnalités qui se démarquent ?
  • Ces derniers ont-ils tendance à démissionner ? 
  • Diriez-vous que vos collaborateurs se ressemblent ou se complètent ?

Comment s’en débarrasser ou du moins le combattre ?

Il va falloir casser les codes ! En douceur bien évidemment 😉 Et cela passe par la diversité. Diversité des profils, diversité des compétences, des parcours et des idées. Il faut apporter du sang neuf. 

6 démarches pour ralentir les effets du syndrome du scarabée :

  1. Stimuler la créativité de l’équipe : accepter les idées nouvelles, ne pas tuer dans l’œuf les suggestions et valoriser les propositions alternatives.
  2. Inviter au débat et au challenge : accepter le droit à l’erreur et provoquer les échanges
  3. Valoriser le travail des collaborateurs : sur la base d’objectifs SMART et utiliser les signes de reconnaissance positifs pour entretenir la motivation 
  4. Prendre des décisions à plusieurs : plus les choix seront partagés, mieux ils seront acceptés. Rien de pire qu’une décision qui « vient d’en haut » !
  5. Compléter plutôt que se ressembler
  6. Trouver des nouveaux profils : et si vous changiez vos critères de recrutement ? Plutôt que de rechercher des compétences identiques à celles qui existent déjà dans l’équipe, penchez-vous sur les soft skills ou les mad skills des futurs candidats 

La différence est une force !

La différence est une force, elle est source de créativité, d’adaptabilité et d’innovation. Certes, cela demande plus d’effort de management pour gérer ces profils multiples et constitue une prise de risque. Échanger, débattre, savoir se dire les choses n’est pas chose évidente mais ça s’apprend.

Mon propos n’est pas de battre en brèche les équipes uniformes, elles ont un rôle important pour apporter stabilité et structure au sein des organisations. Le contraire est tout aussi néfaste à long terme pour l’entreprise : des équipes trop disparates sont à la fois source d’innovation permanente, de changements fréquents et de dissensions. 

En revanche, si ce système peut sembler efficace de prime abord, il atteint rapidement ses limites dans un environnement VUCA, environnement en constante évolution, imprévisible, complexe et ambigu. Et ce type d’environnement, c’est désormais notre quotidien.

Image par rfotostock de Pixabay