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Comment manager une équipe hybride ?

Phénomène freelance : comment gérer les équipes hybrides ?

En entreprise, tout le monde n’est pas salarié. En effet, il existe ce qu’on appelle des équipes hybrides qui travaillent sur les mêmes projets, parfois pour plusieurs mois, voire des années. Dans ces équipes, tout le monde n’a pas le même statut et – au-delà de la question juridique – cette différence de statut pose des questions de fond en termes d’animation d’équipe et d’engagement.

La valse des statuts en entreprise…

Depuis une dizaine d’années, on a vu s’accroître les différents statuts possibles dans le monde professionnel et au sein des entreprises : salarié bien sûr, mais aussi intérimaire, consultant, freelance, manager de transition, etc.

Au sein des équipes, ces collaborateurs aux statuts différents se côtoient et travaillent ensemble. Et parfois, les indépendants sont tellement intégrés qu’il devient impossible de faire le distingo entre les différents membres de l’équipe.

Dans certains secteurs, notamment les professions médicales, la cohabitation entre salariés et libéraux existe depuis longtemps. C’est le cas dans le domaine vétérinaire, par exemple. Lors d’une intervention auprès d’une clinique vétérinaire récemment, je me suis rendu compte que la personne la plus impliquée, la leader, la référente pour les autres, était la collaboratrice libérale… En l’occurrence, on voyait bien que le degré de motivation n’avait rien à voir avec le statut. Ce n’est pas parce qu’on est salarié que l’on est plus impliqué.

Malgré tout, dans certaines structures, les externes sont systématiquement exclus des processus de décision. Dans un groupe de taille internationale, pour lequel je suis intervenu, la hiérarchie faisait une distinction très nette entre collaborateurs internes et externes. Alors que dans certaines équipes les externes représentaient quasiment 50% de l’effectif, ils étaient systématiquement exclus des réunions stratégiques et n’avaient accès qu’à une partie de l’information. Un enfer pour les managers qui doivent mobiliser l’ensemble de l’équipe pour atteindre les objectifs.

Sans compter, qu’on se retrouve dans des situations qui font froid dans le dos :
• Le plus ancien, celui qui a l’historique du projet est un consultant
• Le manager est là en transition (le propre du provisoire, c’est qu’il peut durer longtemps !)
• Enfin, l’expert maison d’une solution est en CDD…

Les indépendants investissent le cœur de l’entreprise

« C’est quoi, un travailleur indépendant » ? Pour Jean-Yves Ottmann, chercheur indépendant associé à l’Université Paris-Dauphine, la réponse est simple : « En France, c’est une population qui n’est pas salariée, quasiment par exclusion. Soit aujourd’hui quelque 13% des actifs. Pour autant, la croissance du freelancing est réelle, ainsi que les situations de cumul. En France, parmi ceux sous statut de micro-entreprise, 60% cumulent le freelancing avec un salariat. »

Et c’est la réalité : les externes ne sont plus cantonnés à venir travailler en simple renfort. C’est le constat qu’a fait Frédéric Naedonoen, chercheur et maître de conférences à l’Université de Liège, qui vient de signer une thèse consacrée à aux « équipes hybrides » : « Les indépendants ne sont pas cantonnés aux activités périphériques : ils travaillent au cœur de l’entreprise. On observe également une augmentation des travailleurs postés : ils sont salariés d’une entreprise, mais en poste dans une autre – les consultants notamment. Cela montre bien que la zone grise entre salariés et indépendants ne fait que s’élargir. »

Mais que font les RH face aux équipes hybrides ?

Malgré la tendance, les DRH n’ont pas l’air de vouloir prendre le sujet à bras le corps. Mathilde Le Coz, DRH de Mazars et présidente du Lab RH, vient de publier un article sur le blog de Sociétal, où elle rappelle que le freelancing « s’est accéléré ces derniers mois, à la faveur de la pénurie de talents qui touche de nombreux secteurs. Dans ce contexte, poursuit-elle, on pourrait s’attendre à ce que les DRH se saisissent du sujet, ou du moins, qu’elles s’y intéressent. Or, malgré son importance croissante au sein des organisations, le freelancing demeure un sujet invisible, voire tabou, le recours à un prestataire externe étant perçu en interne comme un signe de faiblesse. »

Pour elle, les DRH se méfient des freelances à cause du « spectre de la fuite des talents, crainte de voir les niveaux de rémunération challengés en interne, risque de requalification juridique du contrat de mission… Ajoutons à cela la persistance d’une forme de défiance envers la figure du freelance, parfois perçu comme un mercenaire manquant de loyauté et de fidélité à l’entreprise… Et l’on comprend aisément l’absence de synergie entre freelances et DRH. »

Bientôt tous freelance ?

Globalement, la porosité s’accentue entre les différents statuts au sein de l’entreprise : les attentes exprimées par les salariés (autonomie, liberté de travailler chez soi, etc.) les rapprochent de plus en plus de ce dont bénéficient les indépendants.
Attention à ce que dit la loi : « dans le cadre légal français, trop de proximité de traitement entre salariés et freelances pourrait être interprété comme la manifestation d’un lien de subordination pouvant amener à une requalification des contrats commerciaux en contrats de travail. »

Au-delà des véritables indépendants qui intègrent les entreprises, on voit fleurir de nouveaux profils de collaborateurs externes :
• d’anciens salariés qui ont voulu changer de statut
• ou des retraités qui veulent arrondir leurs fins de mois
• des employés qui souhaitent être libres de travailler pour d’autres sociétés
• et aussi des collaborateurs qui renoncent au temps plein pour quelque temps

Qu’ils soient salariés ou indépendants, ils représentent l’entreprise, ils interviennent sous l’ombrelle de l’entreprise. Plus ils seront associés à la vie de l’entreprise et mieux ils pourront s’en faire les ambassadeurs à l’exterieur.
Malgré tout, souvent, salariés et externes travaillent ensemble, mais pas dans les mêmes conditions. La différence de statut et de traitement a un véritable impact opérationnel qui peut peser sur l’ambiance et l’organisation de l’équipe : les vacances, la cantine, les séminaires et autres séances de team building… Et c’est un véritable casse-tête à gérer pour les managers.

Les équipes hybrides : une opportunité pour les équipes, un défi pour les managers

Il est clair que les freelances apportent un regard neuf sur le fonctionnement d’une organisation : cette vision extérieure offre un benchmark particulièrement intéressant. Leur présence dans une entreprise peut devenir un véritable facteur d’innovation.

Mais comment font les managers pour jouer la bonne partition dans ces équipes hybrides ?
Leur défi est d’arriver à mobiliser, à faire adhérer les membres de ces équipes et offrir à chacun les moyens d’atteindre ses objectifs !

Autre problématique de taille pour les managers d’équipes hybrides : qui choisit l’intervenant externe ? Du point de vue du manager intermédiaire, gérer une équipe composée de gens qu’il n’a pas choisis devient délicat. Qu’il s’agisse de consultants envoyés par une entreprise prestataire, de freelances difficiles à cadrer et de CDD qui ne s’investissent pas, le manager doit composer sans avoir son mot à dire.

Une solution ? Distinguer ces deux rôles : celui de responsable hiérarchique d’une équipe de salariés et celui d’animateur d’une équipe élargie. Avant d’avoir recours à un travailleur indépendant, le manager a tout intérêt à bien connaître ce nouveau mode de travail.

10 conseils pour manager des équipes hybrides 

1. Préparez vos équipes au format hybride

Il faut éviter que vos collaborateurs salariés se sentent menacés par l’arrivée de talents externes Présentez la collaboration avec cet expert comme une aubaine et l’occasion de se former au quotidien.

2. Adaptez votre management et votre organisation hiérarchique

Faire appel à un freelance, c’est l’intégrer à une équipe, tout en acceptant que le travailleur indépendant ait sa flexibilité et son fonctionnement propres. Souvent, il travaille hors les murs, il ne connaît pas nécessairement les valeurs de l’entreprise sur le bout des doigts et doit jongler entre plusieurs projets. C’est à vous de lui transmettre les codes.

3. Définissez un cadre pour vos équipes hybrides

Lorsque vous élargissez votre équipe avec des freelances, la mise en place de cadres clairs est essentielle.
Définissez précisément les processus et la manière dont vous allez collaborer. Transmettez toutes les informations nécessaires organigramme, circuits de validation, réunions internes, méthodes de travail et les outils de collaboration. La documentation de ces processus vous fera gagner du temps et évitera les complications.
Vous devez également définir le rôle, les responsabilités de chacun et les communiquer aux autres membres de l’équipe. Vous éviterez ainsi toute confusion ou le sentiment frustrant de « marcher sur les plates-bandes de quelqu’un ».
Poser les règles dès le départ, définir les missions de chaque collaborateur et les faire entendre aux salariés, c’est rassurer votre équipe.

4. Veillez au rythme de chacun

Un freelance a son rythme propre et n’est pas nécessairement exclusivement dévoué à votre entreprise H24.
C’est à vous d’accepter des horaires et des rythmes de travail différents. En revanche, vous gardez la main sur les rencontres, les jalons intermédiaires ainsi que le timing complet.

5. Dans une équipe hybride, prévoyez une intégration soignée

Investissez du temps dans l’accueil de chacun dans l’équipe, même pour des missions ponctuelles. Faites les présentations nécessaires, familiarisez-les avec l’équipe interne et partagez les valeurs de l’entreprise, les responsabilités et les rôles de chacun. Établissez des attentes claires concernant la fréquence des contacts et les canaux de communication.
Demandez à vos collaborateurs de les convier à des évènements internes, une visite des lieux…
Pour une première collaboration, il est possible d’organiser un moment convivial au cours duquel le reste de l’équipe lui sera présenté. Cela jette les bases d’une relation de travail harmonieuse et productive.
L’objectif est d’enrichir l’équipe de nouveaux talents et de gagner à la fois en performance et en flexibilité. Néanmoins, il est essentiel que le freelance ait conscience de la dynamique existante dans l’équipe interne. Pour veiller à cette harmonie, il faut réfléchir et préparer son intégration.
Vous pouvez lui préparer un livret d’accueil contenant les contacts et les renseignements essentiels pour se sentir bien dans l’entreprise.
Si le travailleur indépendant a plutôt l’habitude de travailler hors les murs, il est indispensable de le rencontrer, de lui faire rencontrer l’équipe, de mettre en place des conférence call… Pour créer du lien, prévoyez des séances de travail sur site régulièrement. Rien de mieux que de se voir en vrai !

6. Développez une culture commune

Familiarisez le travailleur indépendant avec votre stratégie de marque, la culture d’entreprise, l’histoire de l’entreprise, sa raison d’être, ses points forts et faiblesse face à ses concurrents en mettant l’accent sur les éléments pertinents selon leur rôle. Assurez-vous qu’il a accès aux outils, ressources et contacts nécessaires.

7. Adaptez votre management à chaque collaborateur en prenant en compte son statut

Trouvez l’équilibre entre des directives claires et une certaine liberté de travail. Précisez les tâches incluses, les préférences de méthode et les points où une flexibilité est acceptée. Soyez le plus transparent possible en n’hésitant pas à partager vos inquiétudes, vos convictions et les faits pour établir votre point de vue. Maintenez un contact individuel avec chaque freelance en faisant des bilans réguliers.

8. Exploitez les outils de collaboration et gardez le contact

Trello, ASANA, HubSpot CRM, Dropbox pour la gestion de projet et des plateformes de chat vidéo sont vos alliés pour faciliter la communication. Privilégiez la communication orale pour éviter les malentendus. Des appels hebdomadaires maintiennent le contact personnel.
Bannissez les groupes de discussion qui apportent confusion et malentendus.
Établissez des objectifs clairs et assurez-vous de suivre régulièrement les progrès de chaque membre de l’équipe.

9. Organisez des revues de projet intermédiaires et finales

Outre le suivi quotidien, organisez des revues de projet à différents moments clés pour dresser un bilan détaillé de la collaboration. Et cela passe par les revues intermédiaires qui permettent d’ajuster le tir en cours de route, en identifiant les lacunes ou les axes de progrès.

10. Valorisez pour fidéliser

Reconnaissez et valorisez chaque membre de l’équipe. Offrez un encadrement bienveillant, impliquez-les dans le projet, et encouragez les retours constructifs. Agissez en tant que leader inspirant pour renforcer la confiance mutuelle.


L’une des clés pour une intégration du freelance réussie au sein de l’entreprise est la valorisation de son travail.
En exprimant sa satisfaction, l’entreprise met en avant le collaborateur externe et met toutes les chances de son côté pour retravailler avec lui.
On connaissait jusque là le « salarié du mois », c’est le moment de passer au « freelance du mois » !

Image par gomiche de Pixabay