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Act your wage : travailler à la hauteur de son salaire et pas plus

Act your wage : travailler à la hauteur de son salaire et pas plus

Le wage, c’est le salaire en anglais. « Act your wage » c’est littéralement : « Agis à la hauteur de ton salaire » ou encore « Fais-en autant que tu es payé ». Pas plus.

Act your wage, ça veut dire quoi ?

Si c’est sur TikTok qu’est apparu ce nouveau hashtag fin 2022, ce n’est pas une surprise. Cette prise de position est générationnelle et remporte l’adhésion des jeunes salariés. D’ailleurs le hashtag #actyourwage comptabilise plus de 110 millions de vues sur le réseau social.

A ne pas confondre avec le phénomène du quiet quitting, les adeptes du « Act Your Wage » ne prônent pas le désinvestissement professionnel, bien au contraire. Ils veulent mettre l’accent sur le décalage entre leur fiche de poste à rallonge et leur rémunération. En résumé, le mouvement n’incite pas à travailler moins ou à travailler mal, mais à l’équité.

Limiter la charge mentale au travail

Derrière Act Your Wage, il n’y a aucune notion négative, ni d’acte de désengagement. Et encore moins, de volonté de démissionner. Ces jeunes salariés veulent non seulement que l’on reconnaisse leurs missions exactes inscrites sur la fiche de poste (d’où l’importance de déterminer un périmètre clair ou tout simplement de rédiger leur fiche de poste…) mais que leur rémunération soit aussi plus juste.

Le but, pour ces nouveaux salariés n’est pas d’en faire le moins possible mais plutôt de lutter dès l’embauche contre une trop forte charge mentale au travail. C’est peut-être aussi une réaction à la situation de leurs parents – la génération X – qui ont pris l’habitude tout au long de leur carrière d’en faire toujours plus…

Ainsi, les adeptes du Act Your Wage vont remettre en cause les codes et l’esprit « start-up nation » en préservant leur équilibre vie privée/vie professionnelle. Pas de messages, mails et réunions à des heures tardives. Pas de connexion en-dehors des heures de bureau, pas de réponse aux mails et autres notifications intempestives durant les vacances… Ils aspirent à une situation plus saine et tout-à-fait justifiée :  » quand je suis au bureau, je bosse. En-dehors, je décroche « .

Le point de vue des juniors vs. seniors

Le mouvement Act Your Wage, c’est également un besoin de plus de transparence entre les salariés. Transparence sur les salaires notamment, mais également sur les missions de façon à limiter les surcharges de travail et les sentiments d’injustice.

La question des écarts de salaires entre juniors et seniors est au centre du débat. En effet, il serait normal qu’un salarié senior, qualifié et mieux rémunéré, travaille plus qu’un junior, non ?
Pour ces jeunes, la règle est « à fonction identique, service identique ».

Pas si simple en réalité : il existe déjà naturellement des écarts entre salariés d’une même génération, encore plus si l’expérience n’est pas la même.

Dans de nombreuses entreprises, le niveau de salaire n’est pas seulement fonction de l’expérience ou de l’ancienneté (souvent, c’est même inversement proportionnel !), il est encore soumis à l’appréciation des managers qui le mesurent à l’aune de l’implication personnelle. Un critère clairement subjectif…

Act your wage = génération désenchantée ?

Le mouvement Act You Wage est une réponse à plusieurs phénomènes mais aussi une façon pour les millenials et la Gen Z (les enfants de la génération X justement) de se protéger :  

Pouvoir d’achat en baisse 

Sauf dans les administrations, les augmentations sont rarement systématiques. Elles ne suivent pas non plus les pics d’inflation. Résultat, depuis près de 15 ans, le salaire d’entrée est resté le même pour certaines fonctions alors que les exigences de la fonction ont changé…
 

Épuisement professionnel

Ou « brown out ». De nombreux salariés ont la sensation d’une charge de travail insurmontable et surtout structurellement mal définie. Rien qu’à lire certains descriptifs de poste, on a la sensation que le job s’adresse à toute une équipe et pas un seul individu ! A l’heure où les capacités cognitives sont mises à mal par les mails de plus en plus nombreux, les notifications et les réunions incessantes, il faut fournir beaucoup plus d’efforts pour obtenir la même récompense. Comment rester motivé ?
 

Inquiétude sur les carrières à repenser

Les jeunes salariés (nés dans les années 1990 à 2000) ont bien conscience que leurs retraites ne seront pas au même niveau que celles de leurs aînés. Ils sont également convaincus qu’il leur faudra repenser leur carrière en conséquence. D’ailleurs la notion de carrière ne vend plus du tout de rêve pour ces générations. La rupture du pacte inter-générationnel est consommée : « pourquoi je travaillerais autant qu’un senior qui est mieux payé et profitera bien plus de sa retraite que moi ? ».
 

L’intensité s’est accrue partout

Les cadres sont eux aussi soumis à des changements organisationnels permanents, souvent parachutés d’en haut, qui vident leur travail de son sens. Il y a un sentiment d’insoutenabilité du travail de plus en plus aigu, ce qui rend difficile la projection jusqu’à une retraite lointaine.

L’intensification du travail s’accompagne évidemment d’une transformation des modes d’organisation. Ils sont beaucoup plus rigides et ne cessent de réduire l’autonomie des travailleurs dans leurs tâches ce qui a pour conséquence de les épuiser.

Beaucoup des jeunes perçoivent donc désormais le travail comme une forme de marathon durant lequel il vaut mieux économiser ses forces.

Quelle alternative proposer pour éviter le phénomène Act your wage ?

Les jeunes générations ont déjà leur avis sur la question…  

  • Ils recherchent une alternative à cette gestion monolithique du travail : réfléchir à d’autres solutions, comme le temps partiel, le temps partagé, pour avoir plus de temps libre.
     
  • La notion de carrière n’a plus lieu d’être : les jeunes générations sont prêtes à gagner moins et renoncer à une carrière idéale pour préserver leur vie privée ou faire le job de leurs rêves.
     
  • Le travail n’est plus le centre de leurs vies ni source d’épanouissement. Ils mettent le travail à distance, cherchent à ralentir… Les mouvements quiet quitting ou act your wage en sont la preuve.

Comment y répondre lorsqu’on est manager ?

  • L’organisation est au cœur du débat. Et le débat consiste à faire en sorte que l’organisation s’adapte à son contexte et ses salariés et non le contraire. Le rôle des managers va bien au-delà de la gestion d’équipe. C’est à eux de travailler sur les relations au sein de l’organisation pour les améliorer. C’est à eux de pousser les dirigeants à repenser l’entreprise.
     
  • Redonner du sens. Savoir pour quoi on travaille, partager la même vision et quels sont les moyens dont on dispose pour atteindre l’objectif commun, c’est désormais une évidence. Une évidence qui doit se traduire dans les faits.
     
  • Inventer de nouveaux modes de gratification qui ne soient pas seulement financiers. Gratifier c’est reconnaître la valeur d’un collaborateur. Encore faut-il que la gratification ait du sens pour lui. Offrir une voiture de fonction à un employé parisien qui n’a pas le permis de conduire et ne pourra pas garer sa nouvelle voiture, c’est contre-productif !

Ça tombe bien, ces sujets seront à l’honneur dans les prochains articles !

Photo de Mathieu Stern sur Unsplash